Allocation de clôture de Madame Cécile JODOGNE, Ministre de la Fonction Publique et de la Santé du Gouvernement bruxellois, Secrétaire d’État à la Région de Bruxelles-Capitale.

 

 

ICI

« Mesdames, Messieurs,

Nous évoluons dans une société basée sur la performance et le rendement. Les milieux professionnels sont pris par des cadences effrénées, des agendas pleins à craquer et un sentiment d’être toujours dans l’urgence.

Ce modèle doit maintenir une accélération continue : l’innovation compétitive, l’intensification du travail, la recherche d’une plus grande efficacité. Et pour certains, voire même la dérive vers l’épuisement, l’angoisse, la culpabilisation et potentiellement le burnout.

Tout au long de cette journée, grâce à un panel d’experts fort bien choisis, issus d’univers professionnels et avec des visions diverses, nous avons pu nourrir notre réflexion sur une thématique délicate et complexe, puisqu’il est question de souffrance. Nous avons été aujourd’hui plus proches des paroles d’Henri Salvador « Les prisonniers du boulot N’font pas de vieux os. »  Que de la maxime, qui fut un temps populaire, « le travail, c’est la santé ».

Vos interventions ciblant les actions à entreprendre pour agir sur les risques et la nécessité d’outils lorsque la situation difficile est présente convergent avec certains de mes engagements et d’autres, aiguilleront mes décisions futures ; pour cela, je vous remercie.

Que ce soit en tant que :

  • Secrétaire d’Etat bruxelloise en charge du Commerce extérieur et investissements et de la Lutte contre l’Incendie et de l’Aide Médicale Urgente ; ou à titre de
  • Ministre de la Santé et Ministre de la Fonction Publique du Gouvernement bruxellois francophone

Je suis particulièrement attentive au bien-être de l’ensemble des travailleuses et travailleurs issus de ces différents secteurs.

Qu’ils soient commerçants, médecins, fonctionnaires, pompiers ou collaborateurs au sein de mon Cabinet ; tous pourraient être, et souvent sont concernés par ces problématiques à un moment ou à un autre de leur parcours professionnel. Être envahi par un sentiment de mal-être, se sentir incompétent, stressé, ou constamment démotivé ; développer des troubles physiques ou psychologiques, telle une dépression, souffrir d’insomnie, être envahi par un épuisement professionnel, autrement dit un burn-out.  Combien en connaissons-nous dans notre entourage ?

Bien que le type de métier ne soit pas la seule dimension à la base de ces problématiques ; on constate que les métiers de soins et d’aide sont particulièrement exposés au risque d’épuisement, notamment en raison de l’organisation et de la cadence du travail au quotidien.

Veiller au bien-être des travailleurs représente une obligation légale. Un employeur consciencieux s’en préoccupe en amont, élabore des plans de prévention des risques psychosociaux, est attentif aux signes avant-coureurs, et, le cas échéant, intervient rapidement si des manifestations ou des indices de cette ‘souffrance au travail’ sont lisibles et récurrentes chez le personnel.

Au sein du gouvernement bruxellois, nous avons réfléchi à la mise en place de dispositifs d’aide aux travailleurs et de soutien aux employeurs.

L’Association Bruxelloise pour le-Bien-Être au Travail -l’ABBET- soutenue par ma collègue, Madame Fadila LAANAN, Ministre Présidente du Collège, est née dans la foulée des accords du non-marchand de 2010 ; elle aide depuis les ASBL bruxelloises reconnues par la COCOF à développer leur politique de bien-être au travail.

Sa mission est d’informer, de sensibiliser et d’accompagner les associations dans la mise en œuvre du bien-être au travail.

A partir de 2019, ses activités seront étendues également aux ASBL relevant de la COCOM.

Au sein même de l’administration de la COCOF, dès 2015 la Charte pour le bien-être des fonctionnaires a été adoptée faisant suite à l’entrée en vigueur, l’année précédente, des modifications apportées à la Loi sur le bien-être des travailleurs (du 4 août 1996).

Grâce à cette Charte et à l’apport du service interne de prévention et de protection au travail -le SIPP- l’accent est dorénavant mis sur la prévention des risques psychosociaux liés au travail, et sur le renforcement de la prévention primaire et collective. Plusieurs mesures ont ainsi été adoptées, dont : la création d’une cellule « Bien-être Psycho social » en liens étroits avec spmt-arista en ce qui concerne la gestion des risques psychosociaux ; la mise sur pied d’une équipe de « personnes de confiance » ; la mise à disposition d’un registre de faits de tiers ; le développement de formations diverses pour tous, par exemple, la gestion des conflits, la gestion du stress, les techniques de communication assertive. Et plus spécifiquement pour la ligne hiérarchique, l’organisation de séances de sensibilisation aux risques psychosociaux.

Le cadre législatif est en place, et je suis bien consciente qu’il peut encore être amélioré et qu’il appartient à chacun de nous, à nos niveaux respectifs, de ‘faire mieux ensemble’.

En tant que Secrétaire d’Etat à la Région, je me suis engagée à améliorer les conditions de travail des pompiers-ambulanciers du SIAMU de Bruxelles  : les casernes ont été adaptées afin d’améliorer leur bien-être et garantir un fonctionnement encore plus efficace de leurs services ; des mesures de prévention et des formations adaptées ont été mises en place afin qu’ils puissent prendre des décisions rapides avec des risques calculés et une bonne gestion du stress, limitant ainsi leur exposition au danger tout en étant efficaces dans l’urgence.

 

Récemment, dans le cadre de ma compétence Santé, j’ai été grandement surprise lorsqu’un service de santé mentale installé sur un campus universitaire a attiré mon attention sur les difficultés psychologiques majeures d’étudiants en médecine résultant de leur cursus. Si nos futurs soignants sont si tôt, et avant même de remplir des responsabilités professionnelles, déjà en butte au stress et à une anxiété maladive, comment s’assurer que le moment venu ils pourront nous soigner adéquatement ? Je me suis engagée, sans hésitation, à soutenir de manière pérenne l’augmentation du cadre afin d’augmenter les plages de consultations psychologiques et la mise en place d’activités de prévention adaptées à ce public.

Fait à souligner, il ne s’agit pourtant pas d’instrumentaliser les risques psychosociaux et, ce faisant, contribuer à masquer l’enjeu politique des conflits souvent présents, que ce soit en entreprise, dans les institutions ou dans les milieux universitaires.

 

Lise GAIGNARD, psychologue française du travail fait remarquer que le changement le plus important dans le monde du travail, ce n’est pas, et je cite : « la transformation – pourtant importante – des modes de management, ni les catastrophiques techniques d’évaluation pipées, ni la mondialisation. Pour moi, la différence majeure, c’est qu’en France, quand on est victime d’une injustice épouvantable au travail… on demande à aller chez le psy ! ».

Nombreux sont les médecins en Belgique qui se plaignent d’avoir à régler des problèmes et des ‘souffrances’ relevant du management plus que de la santé. Dès lors, il n’est pas approprié de transformer la fragilité des situations en fragilité des personnes.

N’étant pas en mesure de reprendre l’ensemble de vos constats, je me limiterai à ne retenir que certains d’entre eux qui me semblent déterminants.

Vos recommandations, vers les responsables, me réjouissent ; elles proposent de réinventer l’organisation souvent ‘hiérarchique’ du travail, en misant sur une panoplie d’initiatives centrées sur les pratiques professionnelles coopératives, le codéveloppement, l’analyse collective, la charte collective, le travail de collaboration, le réseautage, la dynamique participative, ou encore l’action collective…

De plus, vous soulignez la nécessité de remettre du sens dans les tâches, d’améliorer les conditions de travail, de consolider le lien, de développer la communication, de poursuivre les formations, les supervisions, de favoriser le respect, de valoriser les compétences, de partager une vision institutionnelle où chacun à sa place et aussi, de coopérer de manière interdisciplinaire.

Je retiendrai également la force de la transmission. Vous évoquez le compagnonnage, pilier fondamental tant en formation que dans le cadre de réalisation d’activités professionnelles ; être en présence d’un pair qui transmet ses connaissances et son savoir-faire, en particulier par la démonstration, ainsi que les règles et les valeurs de l’organisation est sans aucun doute essentiel.

Bref, un véritable ‘programme’ de changements à promouvoir ! En ma qualité de Ministre, je tiens encore à vous féliciter et à vous remercier par l’ensemble des réflexions que vous nous avez livrées, faisant preuve de professionnalisme et de créativité. Restez assurés, le moment venu que ces mêmes réflexions seront mises à profit des décisions et mesures à adopter dans le cadre de mes fonctions.  »

 

 

Partagez cet article sur :

INSCRIVEZ-VOUS À LA NEWSLETTER